Benoît Mennesson

Carnet de voyage…

Le Japon et les quatre dragons, de novembre à fin décembre 2019

J’atterris au Japon, après avoir bien étudié le japonais pendant quelques années, bon, à mon rythme, j’apprends pas bien dans les livres… Je pensais quand même m’en sortir à peu près, comme avec l’espagnol quand j’arrivais en Argentine, beh pas du tout ! Je suis complètement perdu dans l’aéroport, les gens parlent très peu anglais, j’arrive quand même à trouver une agente des infos touristiques qui m’aiguille et me souhaite même « Bon séjour » en français, je suis sauvé.

Ça sera un peu pareil quand il s’agit de parler à des gens dans les auberges ou ailleurs, c’est compliqué, je comprends pas tout ce qu’ils disent, j’essaie de dire quelques phrases et ils répondent poliment mais essaient pas d’aller plus loin dans la discussion, du coup je suis un peu nostalgique de l’Amérique du Sud ou on me parlait même si je captais pas tout, où on essayait de m’apprendre au moins quelques mots, et puis avec le temps ça venait. On se rappelle mieux quand c’est dans un contexte, quand on associe le mot avec une personne concrète, une situation vécue, en tout cas je crois que c’est comme ça que j’apprends le mieux. Cette fois c’est pas pareil, et ce sera difficile jusqu’à la fin, j’y reviendrais.

Je loge à Tokyo dans le quartier de Asakusa, un peu excentré mais très beau, avec plein de temples, une belle activité dans la journée et la soirée, des restos, des boutiques. J’aime surtout voir les gens prier devant les statues de Budha, mettre des encens, jeter des pièces dans des boîtes devant les temples, acheter des voeux de bonheur… Oui, on a un peu l’impression que c’est aussi une sorte de commerce, mais bon, la ferveur est forte, et même si je suis pas du tout croyant je trouve ça sympa à voir. Je décide quand même d’aller voir le centre ville, passant par d’autres quartiers, le quartier des geeks, le quartier des magasins de musique… Le centre est finalement assez mort, je me rends compte que Tokyo est en fait une ville très éclatée, faite de petits quartiers éparpillés organisés autour des gares de train ou de métro. C’est assez bizarre, et on a pas l’impression d’être dans une grande ville, mais plutôt dans un regroupement de petites villes.

C’est pour ça que je préfère tout de suite Osaka, ma destination suivante, même si la ville elle même est pas très jolie, au moins y a un vrai centre. Et je passe par là le matin tôt en arrivant, ça semble assez désert, puis je reviens le soir et j’ai l’impression d’être dans un parc d’attraction, blindé comme j’ai jamais vu, des lumières partout, des restos en pagaille, des musiciens de rues. Osaka est une ville qui est surtout appréciée pour son animation. Pas très loin, Kyoto se rejoint en moins d’une heure par le train de province plutôt abordable (les trains rapides sont très cher, alors je préfère les bus de nuit pour les longs trajets).
Et Kyoto, là j’ai le coup de foudre. J’arrive directement à côté de la rivière principale, en plein centre ville, et je me promène le long des berges, on a l’impression d’être à la montagne. Je suis resté assis longtemps avec mes sacs, j’avais même pas envie d’aller les poser à l’auberge.
J’étais pas au bout de mes bonnes surprises dans cette ville, entre les temples bien sûr, très nombreux dans cette ville qui fut la capitale impériale du Japon avant que Tokyo ne prenne le dessus. Tout est très sophistiqué, on est près des montagnes, pas très hautes certes, mais on peut même assez facilement s’échapper et se retrouver à grimper dans les bois. Et puis y a le chemin des philosophes, qui longe une petite rivière, parfait pour faire une petite méditation quand y a pas trop de monde. On voit souvent des marchés d’artisans, d’antiquaires. Et puis je crois que ce qui me plait le plus c’est qu’on se sent vraiment très zen, y a comme une ambiance de tranquillité dans l’air, c’est communicatif.

Y a aussi autre chose qui est communicatif, je crois, c’est le respect. C’est bien connu, les japonais le sont énormément, très poli, très propres. Pas une ordure dans la rues, pas de tâches de crasse sur les trottoirs, pas de trucs qui dépassent dans tout les sens, pas de comportements agressifs. Finalement, ça force un peu à faire de même. Si je dois ajouter encore une qualité au japonais, c’est celui du bon goût. L’architecture l’est souvent, mais aussi dans leur façon de s’habiller. C’est souvent à la fois élégant et aussi original, coloré. Bien sûr y a le style conventionnel, le plus courant, et le kawaii, comme ces filles qui ont des images ou des poupées d’animaux mignons partout, mais y a aussi, chez les femmes par exemple, un style assez répandu qui pourrait ressembler au style parisien à l’ancienne.

Même si j’adore Kyoto, je veux quand même visiter un peu plus, alors je pars vers la région de Kyushu, au Sud-Ouest. J’arrive à Fukuoka, petite ville sympa mais qui a pas vraiment quoi que ce soit de très spécial, puis je vais surtout me paumer un peu dans les montagnes, ça fait du bien de changer des villes. Je suis pas déçu du voyage. Je vais quand même visiter Nagasaki, même si je m’étais dit au départ que je trouve ça bizarre d’aller visiter des lieux qui ont été des endroits de souffrance extrême. Finalement c’est quand même une jolie ville, au charme assez particulier, que j’arrive à apprécier même si c’est mon premier jour de pluie au Japon.

Alors là il faut que je précise que j’avais rencontré une taïwanaise à Osaka, une voyageuse qui a la bougeotte et la rencontrotte comme moi. On s’entend tout de suite très bien, et elle me propose de venir visiter son pays. Comme je suis pas trop loin, je me dis que je peux faire un petit détour. En plus comme ça je passe par Okinawa, à mi-chemin, une petite île japonaise qui a quand même longtemps été sous domination chinoise. Je serais un peu déçu par cette île, même si ça fait du bien de retrouver un peu de chaleur… il commençait à faire bien froid dans le Kyushu quand je suis parti.
Ce qui m’avait donné une mauvaise impression à Okinawa, c’est qu’à la différence du reste du Japon, j’ai l’impression que parfois les bâtiments ou les rues sont un peu laissées à l’abandon. Je mets ça sur le compte du climat, quasi tropical, qui est certainement plus agressif pour les peintures, les mortiers, les choses comme ça. C’est un peu pareil à Taiwan, j’arrive à Taipei, chez mon amie Jo, et la ville me semble un peu chaotique. On visite quand même des jolies choses, et surtout à l’extérieur de la ville, des cascades naturelles, une ancienne ville de mineurs qui est maintenant remplie de magasins d’artisans ou de produits locaux.

Je pensais avoir la même bonne surprise en partant vers Tainan, l’ancienne capitale de l’île, à l’image de Kyoto. Malheureusement pas du tout, même au contraire. C’est encore plus chaotique que Taipei, le vieux centre n'est pas si vieux que ça en apparence. C’est là que je me rends compte que ce qui me saoûle le plus dans ce pays c’est les scooters. Ça arrive de tous les côtés, c’est bruyant, ça pue, et ça encombre énormément les trottoirs, à un point qu’on est souvent obligé d’aller marcher sur la rue directement. C’était déjà fatiguant à Tainan, mais en allant vers Chiayi, petit village un peu plus loin, je me rends compte qu’y a toujours pire. Je renonce même là-bas à aller me promener le soir vu que j’en ai vraiment marre de faire du slalom sur les trottoirs ou d’éviter les voitures en marchant au bords des petites ruelles.

Y a pas que du mauvais à Chiayi, surtout quand on prend un bus pour aller dans les montagnes. Ça devient vite impressionnant, ces montagnes très escarpées et recouvertes d’une végétation tropicale. J’y allais aussi pour voir des champs de thé, et en grimpant j’aperçois des plantations de bananes, des orangeraies, mais pas de thé… Pas de bol, je suis certainement pas allé au bon endroit.

La côte Est de l’île de Taiwan est déjà beaucoup plus agréable. Je débarque à Taitung, où je retrouve mon amie Jo, dont les parents habitent ici. C’est beaucoup moins encombré, y a une jolie promenade qui remplace l’ancienne voie de train, je vois pas mal de champs de riz ou autres cultures que j’avais jamais vu avant, des figuiers, des aubergines, ce genre de choses. Et y a aussi des parcs naturels autour. Je vais plutôt à un parc plus au Nord, celui de Taroko, pas déçu non plus, même si ça grimpe énormément. En à peine 3 heures de rando j’ai l’impression d’avoir fait deux jours de marche, en fin de parcours j’arrive au pied d’une rivière avec les jambes qui tremblent encore de l’effort, même pendant la descente. Le chemin qui suit la rivière est plus agréable, avec certaines parties creusées dans la pierre, de jolis panoramas.

Je repars vers le Japon après cette parenthèse Taïwanaise, somme toute assez agréable. Cette fois je me dirige directement vers Kyoto, mon coup de coeur, pour y chercher du travail. Je suis enthousiaste, même si je sais que ça va pas être simple. Je commence à comprendre de mieux en mieux le japonais, je sais comment me présenter en entrant dans une boulangerie, dire que je suis boulanger moi même, que je cherche du travail même si je ne parle pas très bien japonais. Je demande toujours s’il y a un boulanger français qui travaille dans le coin pour parler directement avec lui, vu que je peux pas dire beaucoup plus dans la langue locale, et c’est là que ça coince généralement. D’une, c’est souvent qu’y a pas de boulangers français, tout simplement. Malgré des boutiques qui s’appellent « la Fournée », « Liberté », « La feuille du mois » ou des choses comme ça. Les propriétaires et l’ensemble du personnel sont japonais, et c’est des boulangeries qui n’ont de française que le nom, même s’ils font des produits typiques de la boulangerie française avec parfois plus ou moins de réussite.

Car y a un truc frappant au Japon, que j’ai remarqué même depuis l’avion qui m’y emmène, c’est qu’ils aiment particulièrement tout ce qui sonne français, on retrouve donc souvent des choses écrites dans cette belle langue, mais souvent un peu malmené, voir complètement foireux. C’est rigolo au départ, de voir des erreurs d’accord avec le masculin/féminin, j’hallucine un peu quand je vois des produits faits vraisemblablement en série avec des erreurs cette fois énormes, en toute évidence traduites sur google traductor à l’arrache, j’en viens à me demander comment ils ont pas pensé à demander au moins à type qui parle français de vérifier avant de lancer la production du truc. Mais j’enrage carrément quand il s’agit d’une boulangerie supposément française, celle de M.Bigot, le pape de la boulangerie française au Japon, avec décoration de tour Eiffel, drapeau bleu-blanc-rouge et tout le tsoin-tsoin, puis on t’écrit « chocoatine » ou « caramérise v» au lieu de « caramélisé ». Une bonne blague aussi c’est celle d’une autre boulangerie « française » qui marque sur son entrée en gros « Pain hygiénique ». Le gars s’est sûrement dit que c’était un bon point de mettre en avant que son pain était fait selon les règles de l’hygiène, ce qui est quand même un peu con à préciser à mon avis mais bon, le truc c’est surtout que si tu connais un peu le français tu sais que ça sonne un peu trop comme « Papier hygiénique », ce qui est pas trop vendeur dans ce cas là.

Du coup je galère à trouver au moins un contact, j’ai de la chance en entrant chez « le bac à sable » à Kyoto, où le pâtissier français me reçoit et appelle le propriétaire, également français. Il voudrait m’embaucher directement à Kyoto ou même dans une boulangerie qu’il ouvre prochainement à Nagoya, mais il est pessimiste au niveau du visa. Je me renseigne et effectivement il apparait qu’il faut avoir au moins dix ans d’expérience dans le domaine professionnel demandé pour pouvoir y exercer au Japon. Une autre boulangerie à Tokyo me confirme la même chose, ils auraient bien voulu m’embaucher, pareil, mais ils renoncent quand je leur apprends que j’ai pas de visa. C’est dommage, ça veut dire qu’y a de la demande, et je vois pas d’ailleurs qui voudrait travailler à l’étranger avec dix ans d’expérience, vu que c’est normalement un moment de sa carrière où on a plutôt envie de se mettre à son compte. Les français de ces deux boulangeries étaient d’ailleurs au Japon car mariés à une japonaise. Donc je jette l’éponge, découragé, je me demande quand même comment ils vont faire avec les JO qui arrivent cet été, comme le pays a déjà pratiquement pas de chômage, pour trouver la main d’oeuvre suffisante avec le surplus d’activité. Je continuerais à regarder voir si y a du changement du coup.

C’est comme ça que je part à Séoul, un peu déprimé, et peut-être que c’est pour ça que j’apprécie pas beaucoup cette ville, en plus du froid glacial. C’est quand même une ville très vivante, ça se sent, mais aussi beaucoup moins propre que le Japon, plus chaotique, moins impressionnante, moins traditionnelle. Hong Kong me donne la même sensation, encore plus chaotique, même si y a de beaux endroits, surtout les parcs, ou sur les quais. Je commence à me dire que décidément, dans la région et dans les villes ou pays développés, le Japon est vraiment au-dessus du lot. On peut penser, à Taiwan, que le climat semi-tropical aide pas à conserver des infrastructure très malmenées, mais ce serait pas le cas à Séoul, ou même à Hong Kong. Je pense que la culture joue pour beaucoup, et c’est ce qui va m’être confirmé en débarquant à Singapour.

Singapour, mis à part le Japon en général, c’est ma grosse bonne surprise du voyage. Je m’attendais à quelque chose de sympa, vu ce qu’on en dit souvent, mais je suis quand même agréablement surpris, j’aurais pas pensé que ce serait cool à ce point là. Et c’est que là mon impression se confirme, malgré un climat hyper humide, très tropical, on sent pas les bâtiments ou les routes fatigués. On arrive même à profiter de ce climat pour créer une sorte de ville-jardin un peu partout. On remarque des influences venant d’un peu partout, la population me fait d’ailleurs beaucoup penser à celle de Vancouver, très mélangée, très multiculturelle. On sent qu’y a une envie de faire des choses belles, une modernité assumée, de la tolérance envers les façons de vivre différentes, les religions… Un modèle pour ses consoeurs de même climat ! Je suis juste déçu de pas pouvoir rester très longtemps, vu que j’apprends seulement à Hong Kong que j’avais déjà le visa pour l’Australie depuis le jour où j’en ai fait la demande, je me suis un peu précipité et j’ai pris un billet d’avion directement le jour d’après. J’aurais pas trop vu la vie nocturne du coup mais ça a l’air d’être vraiment pas mal aussi. Je pense que j’y retournerai au moins pour une semaine la prochaine fois que j’en ai l’occasion.

Car, oui, quand j’ai commencé à sentir que ça allait pas être possible au Japon, je me suis rappelé qu’un australien rencontré à Los Angeles m’avait appris que le visa vacances-travail en Australie avait été augmenté pour les jeunes jusqu’à 35 ans. Je me sens moins vieux tout de suite ! Et même si j’avais en tête d’aller peut-être en Nouvelle-Calédonie pour bosser si ça marche pas au Japon, je me dit que l’Australie peut être plus intéressant pour se faire de l’argent. C’est vrai que c’est pas un pays qui m’attire pas beaucoup à la base, mais au moins comme ça j’aurais l’occasion de vérifier si mon intuition était bonne, on peut toujours changer d’avis…


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