Benoît Mennesson

Carnet de voyage…

La partie Ouest des USA en octobre 2019

Après un court retour en France, finalement assez positif, surtout au niveau du travail car je me remets à faire du vrai pain pour des clients qui l’aiment et qui le connaissent bien (au contraire de Vancouver), et je suis enfin de retour aux USA. Je pars directement vers la Nouvelle-Orléans après avoir atterri à New-York, faisant une petite étape à Nashville que j’ai presque pas envie d’évoquer tant c’était une mauvaise surprise. Faut dire que le temps joue pas non plus en sa faveur, je me suis mangé de la pluie comme jamais, pas de chance, mais même sans ça on m’avait vendu la ville où la musique est partout, dans tout les genres, et c’est vrai qu’y en a, pas tellement dans tout les genres, mais tellement concentré dans une seule rue que c’est plutôt un brouhaha sans fin divertissant des tonnes de ricains venus se saoûler du matin au soir… pas trop mon genre.

J’ai un peu peur de tomber sur la même chose en arrivant à la Nouvelle-Orleans, rue Bourbon, le premier soir, mais en s’éloignant un peu y a des trucs un peu mieux, et c’est surtout le soir suivant dans Frenchmen street que je trouve mon bonheur, du bon vieux jazz, une bonne ambiance. Mais on tombe sur des trucs pas mal en journée aussi, aux alentours du French market, ou sur les petites places… après, faut aimer le jazz, ce qui est heureusement mon cas.

Si on aime l’architecture antillaise, on est servi aussi dans le vieux centre. Bien entendu ça laisse une sensation de musée à ciel ouvert conservé pour le toursime, mais c’est aussi parfois bien vivant, y a des petites maisons que les propriétaires chouchoutent tout simplement parce que ça leur plait à eux aussi. Puis ça permet de se rendre compte à quel point cette ville est particulière aux USA, et comment à son époque ça devait être un petit bijou, quand on leur a vendue.

J’aime bien me promener dans un endroit et imaginer ce qui pouvait se passer avant, et en marchant sur les anciens docks, j’essaye de voir arriver les chars qui transportaient les premiers groupes de jazz, sorte de mélange de musiciens rapidement formés sur les instruments de fanfare militaires européens, apprenant par eux même ensuite et allant vers une improvisation collective inspirée aussi des influences africaines et antillaises, en plus du blues, du ragtime et du gospel. Ici les musiciens de chars jouaient pour gagner un peu d’argent au milieu des bateaux marchands qui débarquaient, vendaient leurs cargaisons et laissaient tomber une petite pièce au passage. C’est parfois dans les bar et les bordels que la technique jazz, au piano surtout, s’est pas mal développée, et on retrouve souvent dans les noms de rues des clin d’oeil à certains morceaux connus comme le Basin street blues.

Y a aussi un truc agréable ici, qui est de voir partout des noms de rue bien français, comme la rue Rampart ou Dauphine, et c’est peut-être en partie pour ça, mais je me suis vraiment senti comme à la maison dans cette ville. Je pense qu’y avait autre chose de plus, certainement l’atmosphère de liberté et de culture, ou encore parce que c’est un peu chaotique, mais je me suis senti vraiment à l’aise, tout en découvrant quelque chose de nouveau. J’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à me séparer de cet endroit, peut-être pas que à cause de l’endroit… en tout cas je suis arrivé à la dernière minute pour prendre mon train, direction Chicago.

J’ai pris le train, cette fois, après deux trajets en bus tout pourris. Le premier, avec une compagnie chinoise basée à New York, avait une odeur d’urine pendant tout le trajet en plus d’arriver deux heures en retard. Le deuxième avec Greyhound, LA compagnie de bus de USA, mais on s’arrêtaient parfois pendant une heure sans raisons et fallait sortir du bus pendant ce temps là. Du coup, le train a été une très bonne surprise pour moi. Les sièges super larges avec beaucoup d’espace pour allonger les jambes, le personnel très aimable, le fait de pouvoir se lever à tout moment et aller se promener dans la voiture bar où on trouve des sièges face aux vitres pour observer le paysage, toit panoramique et tout. Après, faut avouer que c’est lent quand on compare avec les trains en Europe, c’est même plus lent que le bus souvent, et un poil plus cher pour couronner le tout, mais je préfère largement.

Chicago, j’avais le même a-priori positif qu’avec le Nouvelle-Orleans, la ville où le jazz s’est émigré ensuite, le fameux Chicago blues, tout ça, puis je sais pas où ça à disparu depuis… C’est sûr que c’est un belle ville, pas si grande que ça finalement, et les petits ponts qui croisent la rivière presque à toute les rues, ça a son charme, par contre c’est ultra mort. À 20 h 00 je rentre dans un McDo pour commander une glace, on me dit que ça ferme, je fais un tour dans le quartier et tout ferme pratiquement, pas besoin de parler de la musique. Y a bien l’Art Institute qui est un musée très complet, mais sinon je suis content de partir.

Prochaine destination, Seattle. J’avais pas trop prévu de passer par là mais vu les quarante heures de trajet en bus pour rejoindre la côte Ouest, je trouve un billet d’avion pas trop cher pour Seattle et je dis Ok. Quatre heures et c’est plié, j’arrive dans cette ville qui a des petits airs de Vancouver, en plus d’être en pleine saison d’automne où les nombreux érables se chargent de couleurs du mauve profond au jaune en passant par des oranges pétants. Et l’ambiance est bien différente de Chicago, ça se ressent tout de suite. Je suis quand même déçu de pas trouver autant de musique qu’à la Nouvelle Orléans mais au moins c’est bien vivant et ça fait plaisir.

Plus au Sud, Portland est une petite Seattle, plus tranquille mais quand même bien vivante. Le quartier où je loge me rappelle celui où j’ai vécu à Vancouver, très arboré, pleins de petites boutiques sympas, des cafés partout, des restaurant originaux et abordables. Puis y a aussi un truc cool à Portland, c’est qu’y a pas de TVA, tout est hors taxe, alors les prix sont bas dans tout les domaines.

Je réserve encore un train pour me rendre à San Francisco, encore une fois le trajet est superbe, je quitte les forêts colorées pleine de brume le soir et me réveille au petit matin avec un lever de soleil qui perce à travers les montagnes, se reflètent dans les lacs qui abritent toutes sortes de bateaux petits et grands, des maisons de pêches sur les bords et dans les îles. Dans pas longtemps j’apercevrai de loin la grande ville, on devine déjà le Golden Gate, c’est bien San Francisco.
Dur à dire ce que je pense de cette ville. En journée j’ai l’impression de traverser une copie de Bordeaux, avec les grattes-ciel en plus et les rues qui montent et qui descendent sans arrêts, mais c’est l’ambiance qui me fait penser à ma ville natale, c’est à la fois beau et serein, propre et coloré… jusqu’à ce qu’arrive la nuit. Je sors avec des mecs de l’auberge, un mélange de nationalités avec un seul but commun, s’éclater. On écluse les bars et je finis dans un endroit louche, entre le bar gothique et la boîte de nuit pas cher, parfois on sait pas bien si on est pas dans une salle de strip-tease, les femmes dansent à moitié nues, y a un mec qu’y est là au milieu, énorme et qui me prend deux têtes, habillé seulement d’un slip et un chapeau.
Je reste assez longtemps, pour visiter pas mal déjà, je me tape une journée entière à marcher pour aller voir l’océan Pacifique, ça faisait un bout de temps que j’y avais pas trempé mes pieds, passer sous le pont du Golden Gate, croiser le quartier de Haight Ahsbury, haut lieu du Summer of love de 1967. Y a d’ailleurs des restes de cet été de folie ici, notamment dans les boutiques de disques où ce genre de choses, mais on sent aussi que c’est bien fini tout ça, les hippies, dommage.
Mais je reste peut-être trop longtemps, en tout cas je suis content de partir, non pas que j’aime pas cette ville, au contraire, c’est plutôt que je me serais senti devenir un peu trop comme ces beatniks, qui traversent la vie comme on grimpe dans un train en cours de route. C’est pas facile à expliquer, mais ce qui est sûr c’est qu’en partant d’ici je me suis senti comme rassuré, et en même temps déjà nostalgique de mon séjour dans la belle et folle Frisco.

Nostalgique, je le serais tout au long de mon séjour à Los Angeles, c’est là qu’on se rend compte que c’est pas donné à tout le monde d’être une ville qui a de la personnalité. Los Angeles en a pas du tout, du moins c’est mon ressenti. Le centre est sans aucun charme, et la ville est tellement étalée qu’on est obligé de se déplacer en bus au minimum, ou en voiture comme font la plupart ici. Un anglais que j’ai connu à Seattle m’avais d’ailleurs déjà expliqué ça, vu qu’il y avait longtemps vécu. Il avait déménagé pour la ville du Nord car il aime pas les voitures, et il m’avait dit que c’est pas simplement que c’est dur pour se déplacer sans ça, c’est aussi qu’on te considère comme un moins que rien si t’en a pas. Tu m’étonnes qu’il soit plus heureux là-haut, si c’est comme à Vancouver où le vélo est mieux respecté, tant mieux pour lui.
Alors oui, Venice Beach où je loge est agréable, mais je décide quand même d’aller voir du côté du Walk of fame et de Melrose avenue pour voir, en rentrant je me suis dit que j’aurais mieux fait de devenir à moitié fou à San Francisco. Enfin, c’est une bonne chose aussi de terminer sur un séjour plus tranquille, histoire de mieux faire la transition vers le Japon. Se vider tranquillement de toutes les aventures, les rencontres, les histoires dingues et les fou-rires. Je traverserai bientôt le grand Pacifique pour aller dans un autre continent, et pas un comme celui-ci où, en parlant anglais et espagnol couramment, on est comme un poisson dans l’eau. Où on colle plus à la culture parce qu’elle se rapproche quand même pas mal de celle des européens. Mais ça c’est une autre histoire.

Maintenant c’est plutôt le moment de faire mon bilan sur l’Amérique, ce continent gigantesque, fascinant et merveilleux, à qui j’aurais donné au moins trois ou quatre ans de ma vie… ça les aura bien valu. Quand je repense à mon premier pas posé à New-York, la virée du Nord au Sud en passant par les caraïbes, puis de nouveau du Sud au Nord, ce petit arrêt sympa à St-Pierre et Miquelon, Buenos Aires qui aura complètement changé ma vie, la Guyane française, véritable patchwork de cultures. Tout ces gens adorables rencontrés sur le chemin, ces vies parfois incroyables de parfaits inconnus, la quantité de saveurs et de paysages inimaginables et qui donnent envie de revenir juste pour faire une randonnée dans les andes de la Patagonie, manger un taco al pastor dans les rues de Mexico, boire un batido de chocolate à Cuba, sans parler du bon café de Vancouver, et j’en oublie bien sûr beaucoup.
L’Amérique, c’est un bon tremplin pour le jeune voyageur, sans être en décalage complet on est quand même loin de chez soi, on apprend à s’ouvrir l’esprit en découvrant ces cultures mélangées d’Afrique, d’Europe et aussi pré-colombiennes. On s’aguerrit face aux longs voyages en bus, on devient plus prudent. Je peux pas dire que j’étais naïf ou quoi avant de partir, de toute façon je crois que je le serais toujours un peu quoi qu’il arrive, mais en tout cas aujourd’hui je me trouve changé. Puis il faut savoir être prudent mais aussi parfois prendre le risque de partir dans une direction même si on risque de regretter plus tard. J’espère que tout ça me servira ici, au Japon et en Asie.
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