Benoît Mennesson

Carnet de voyage…

L'Asie du Sud, de mai à novembre 2022

C’était sûrement pas une bonne idée de débarquer à Calcutta juste après l’Australie pour commencer. Je m’attendais à un choc, tout le monde sait bien qu’il faut s’accrocher quand on va en Inde, mais j’étais quand même pas prêt.
Je savais que ça allait être sale et pauvre et bruyant et perturbant, mais finalement je crois que ce qui m’a le plus démoli c’est ce que je voyais à ce moment là comme l’impolitesse des indiens. C’est vrai, dès l’arrivée à l’aéroport, je dois forcer pour passer aux différents postes de scan de bagages, douane etc., les locaux ne respectant pas trop les queues en général. C’est pareil dans le métro, les trains, les magasins.
Je remarque aussi que chaque fois que je demande un renseignement ou que je vais m’assoir dans un resto, les gens me répondent comme si je les gênais. Pour faire la blague je disais souvent par la suite que les indiens ont peut-être les dents bleues ou vertes ou roses, j’en sais rien, je les ai jamais vues.
Le clou ça a été la première fois où j’ai voulu prendre le train pour aller à Darjeeling et qu’on m’a dit de rentrer chez moi au moment de monter dedans alors que j’avais bien en apparence un ticket. C’est le piège classique, c’était un ticket en file d’attente, j’en avais même déjà entendu parler mais c’est tellement tordu que je me suis jamais méfié. Bref, ce soir là j’ai tenté de demander de l’aide aux guichets ou aux salles d’attentes pour prendre un autre train, ou au moins pouvoir me connecter à internet et trouver une solution de repli, mais même en se battant pour passer à travers la foule qui se tasse devant les guichets ou quoi, j’avais l’impression que personne voulait m’aider.
Y avait déjà ça, donc, puis en essayant de planifier mon voyage après Darjeeling je me suis rendu compte que partout ailleurs il faisait soit trop chaud soit trop pluvieux. C’était vraiment pas le meilleur moment pour voyager en Inde. Je m’étais précipité parce que j’en pouvais plus d’être bloqué à cause du covid.

Par chance à ce moment là le Laos réouvre ses frontières et le Vietnam facilite aussi l’entrée, alors je décide de changer de cap et je prends un billet d’avion pour la Thaïlande. L’Inde étant un pays qui me fascine depuis si longtemps, j’ai pas envie de gâcher mon plaisir en le visitant dans de mauvaises conditions. Et pour revenir sur cette apparente impolitesse, je pense que c’est aussi une histoire d’adaptation et de différence culturelle. On pourrait dire que ça m’a fait l’effet que ça fait aux japonais qui visitent la France. De toute façon j’y reviendrais par la suite pour essayer de l’expliquer un peu mieux.

J’arrive donc à Bangkok en étant aux anges juste à constater la propreté (toute relative) des rues et des parcs publics. En marchant dans la rue je vois un vieux monsieur qui me fait coucou en souriant depuis la fenêtre de son bus, tout est diamétralement opposé à l’Inde. Je fais le constat aussi qu’ici tout le monde porte le masque alors qu’il n’y a aucun écriteau le demandant. En Inde, on voit partout des écriteaux plutôt stricts disant par exemple “pas de masques, pas d’entrée”, puis une fois entré on se rend compte que personne porte le masque. Bon, je suis pas trop un fana du masque non plus et je me dis aussi que c’est bien dommage d’être au pays du sourire et de pas pouvoir les voir à cause de cet accessoire. D’ailleurs, en me rapprochant des sites touristiques du centre ville, je rencontre ces gens très sympa, qui commencent par te demander d’où tu viens puis finissent en te conseillant des endroits à visiter, juste au moment où arrive un chauffeur de tuk-tuk qui te fait un super prix pour visiter tout ces endroits là, justement. J’ai senti la ficelle et j’ai refusé, d’autres m’ont confirmé l’arnaque, ce qui se passe c’est qu’on t’emmène dans des faux bureaux d’informations qui sont en fait des agences de voyages, des tailleurs de costumes qui font soi-disant des promotions incroyables etc… et le chauffeur touche sa commission sur ce que t’achètes. J’en ai croisé d’autres qui voulaient me faire croire que l’endroit que je veux visiter est fermé et que donc je devrais aller à tel autre endroit, ils tentent tout, sans aucune gêne, et c’est vraiment énervant. À ce moment là, le pays du sourire, j’avais plus envie de l’appeler le pays des faux-cul au tuk-tuk.

Heureusement, le Nord de la Thaïlande est beaucoup moins touristique, et c’est vers là que je me dirige. J’arrive à Chang Mai, ville moyenne paisible et plutôt portée sur la culture. J’aurai profité de la musique et des danses traditionnelles aussi bien que du jazz, pris un cours de cuisine etc. On peut aussi facilement partir faire des randos pas trop loin. Tout est très facile, les gens sont agréables, la ville pas trop oppressante. On peut aussi partir à Pai, toute petite ville pas trop loin, si on veut plus de calme et plus de nature. Chang Rai encore, un peu plus dans le Nord, surtout pour visiter le temple blanc, assez touristique mais vraiment une expérience en soi. Puis de là je suis tout près du Laos, qui est aussi une destination qui m’intéresse depuis longtemps alors je perds pas de temps et j’y vais direct.

Au moment de passer la frontière on me demande de payer 40 bahts, ce qui fait environ 1€. Le visa coûte normalement 40$ donc je suis surpris mais je paye en me disant que c’est tant mieux… puis par la suite on me demande effectivement les 40$. Je comprends alors que les 40 bahts précédents était simplement un bakchich. C’est une pratique courante ici, au Cambodge et au Vietnam aussi, surtout aux frontières terrestres. On peut essayer de s’offusquer et obtenir une petite réduction par exemple, mais au final quand ils ont ton passeport dans les mains t’as pas trop de choix. J’avoue avoir été un peu choqué à ce moment là, de constater la corruption si généralisée qui rackette le touriste pour des clopinettes, et encore une fois sans aucune gêne apparente. L’Amérique du Sud se qualifie aussi elle-même de très corrompue par exemple, mais je l’avais jamais vu de mes propres yeux, et j’ai pourtant passé bien des frontières dans ce continent.

Le Laos, un pays qui était presque pas au courant lui-même qu’il avait rouvert au tourisme. Beaucoup d’hôtels fermés, des trajets de bus ou bateau annulés. J’ai dû revoir mes plans et partir directement vers Luang Prabang au lieu de visiter le Nord montagneux. Mais je verrai ce genre de paysages plus tard dans le Nord du Vietnam, et Luang Prabang est une ville moyenne au moins aussi agréable que Chang Mai, mais avec un charme particulier. C’est vrai, surtout pour un français, qui de plus a pas posé un pied en France depuis longtemps, c’est aussi agréable de retrouver des petites boulangeries, des bars où on peut commander un pastis, etc. Beaucoup de restos ou autres n’ont pas encore rouvert après le covid cependant, mais le marché de nuit est très vivant, beaucoup de choses à visiter aux alentours aussi. C’est donc une étape qui m’a beaucoup plu, certainement ma préférée au Laos. La capitale, Vientiane, étant un peu morose, Veng Viang plus fêtarde ou sportive mais pas trop culturelle, le Sud parfois pas mal comme aux alentours de Paksé à visiter en scooter et surtout la zone frontalière du Cambodge avec la région paisible des 4 000 îles.

Ce qui était cool aussi dans ce pays pour moi c’était les rencontres. En Thaïlande, j’avais surtout connu des petits jeunes, souvent british, qui viennent s’éclater un peu après avoir fini leurs études, un peu comme une récompense. Au Laos je rencontre des gens plus intéressants, en particulier une française que je retrouve de temps à autre sur la route et un Chilien avec qui au final je voyage depuis la frontière de la Thaïlande jusqu’à celle du Vietnam quasiment. On est allé se perdre ensemble jusqu’au village de Muang Ngoi où on a rouvert un resto pour nous, vu qu’on était les premiers touristes depuis plus de deux ans. C’est assez drôle d’ailleurs de se dire qu’y a certainement beaucoup d’enfants qui ont jamais vraiment vu d’étranger ou qui en avait pas conscience étant trop jeunes deux ans plus tôt. J’en profite pour faire un petit aparté sur le voyage post-covid, qui au final m’a plutôt déçu. C’est vrai que c’est agréable de visiter des sites comme les ruines d’Angkor en ayant quasiment personne sur sa route, pas d’attente et moins de pollution visuelle. Au final c’est aussi plus difficile en raison de tout ce qui est fermé ou pas encore rouvert, des auberges de jeunesses aux lignes de bus, en passant par les restos et attractions surtout rendues profitables par le tourisme. On fait aussi moins de rencontres avec d’autres étrangers, ça m’est arrivé souvent de me retrouver dans une auberge avec seulement des locaux pas trop bavards vu qu’ils logent là seulement pour le boulot. Enfin, entre le tourisme de masse et cette situation là je préfère certainement la seconde, mais un entre deux serait certainement idéal.

Je sais pas trop quoi dire sur le Cambodge, et à part pour les ruines d’Angkor je pense que je conseillerais pas vraiment d’y aller. Pourtant, quelques endroits sont sympas comme la ville de Battambang et les îles au Sud pour profiter de la plage plus sereinement qu’en Thaïlande. Mais y a une ambiance générale étrange, peut-être liée à l’Histoire récente des Khmers rouges, très sanglante et inhumaine. J’apprends d’ailleurs que le directeur du fameux centre de torture S-21 de Phnom Penh a été retrouvé et jugé seulement en 2020. Beaucoup de gens ayant participé aux atrocités sont toujours en liberté tout simplement parce qu’y a pas vraiment les moyens de les emprisonner tous. Sachant que les intellectuels étaient particulièrement ciblés (on demandaient par exemple aux gens s’ils parlent une seconde langue en leur disant qu’ils pourraient travailler pour le gouvernement, puis on les jetait en prison), ou les “déviants” (les hommes aux cheveux longs étaient abattus à coups de marteau pour économiser les balles de fusil), ceux qui revenaient de l’étranger étaient systématiquement torturés car soupçonnés d’espionnage… on peut imaginer que ça a laissé des traces. Bref, c’est peut-être aussi un effet psychologique, mais étrangement en arrivant au Vietnam je me suis senti tout de suite beaucoup mieux, comme si je réalisais seulement en ayant quitté le Cambodge que je me sentais épié là-bas. C’est vrai, à Hô Chi Minh-Ville (anciennement Saïgon), capitale du Sud, je me sens libre tout à coup, et je crois que c’est justement en réalisant que les gens ne font pas attention à moi.

Depuis Saïgon, je pars encore plus vers le Sud pour visiter le Delta du Mékong, je sais pas trop pourquoi à vrai dire. En fait, je crois que c’était un peu ma manière de dire adieu à ce grand fleuve que j’ai suivi depuis ma sortie de la Thaïlande, suivant son cours encore tortueux quand il baigne Luang Prabang d’une atmosphère magique et apaisante, s’élargissant dans les 4 000 îles pour créer cette région tranquille et superbe, c’est déjà une autoroute de transport fluvial en passant à Phnom Penh, et dans son delta un véritable habitat avec ses marchés flottants (en réalité ils sont de moins en moins nombreux avec le développement des routes) et îlots fertiles en arbres fruitiers et autres cultures.

Je passe rapidement ensuite dans le centre du pays, plaisant mais pas non plus extraordinaire, même les restes de la ville impériale de Huê sont pas si impressionnants. Da Nang est une sorte de Copacabana vietnamien, mais en beaucoup moins bien. Hôi An rachète un peu le déplacement avec son charme ancien et son vieux quartier français. Le Nord est plus intéressant, même si je suis déçu par Hanoï, que tout le monde préfère à Saïgon, certainement pour son quartier des 36 corporations qui regroupe tout les petits artisans avec une rue pour chaque spécialité. Finalement en Inde toutes les villes ont ça d’une certaine manière, donc bon. Mais les montagnes aux alentours de Hà Giang valent vraiment le déplacement, et de se faire un road trip là-dedans avec les potes de Margaret River, c’était vraiment parfait. On a aussi été voir la fameuse baie d’Ha Long, et c’est peut-être parce que j’avais déjà vu des paysages semblables depuis le Laos déjà, mais j’ai pas non plus été impressionné.

Avec tout ça le temps passe et les températures redescendent en Inde, la mousson va bientôt se terminer, je pars alors vers le Népal voisin, quand même déçu de pas pouvoir visiter la Birmanie qui connait des troubles politiques. Le Népal me rappelle beaucoup l’Inde, mais en beaucoup plus soft, donc c’est une bonne réintroduction après le Vietnam très poli et organisé (en comparaison). Katmandou est décevante, mais je visite les alentours et trouve des belles surprises, surtout à Bhaktapur, vibrante de cultures et avec de beaux bâtiments anciens bien conservés. En me promenant à travers les petits groupes de musiques traditionnelles, je ressens cette joie particulière, comme un achèvement. Je me rappelle quand j’empruntais des CDs de ces mêmes musiques dans les médiathèques de Bordeaux et Paris, et là je les vois jouer en face de moi. C’est un peu comme quand je suis allé me promener dans les champs de thé du Darjeeling, mon thé préféré, car la meilleure qualité de ce thé est exporté vers les pays riches de toute façon, mais quand je le buvais depuis la France je m’imaginais pas qu’un jour j’irais voir où il pousse.

Mon objectif premier au Népal était d’aller faire des randonnées dans les montagnes, bien évidemment, alors je pars vers Pokhara, au pied des Annapurnas. Le site est parfait car il y a des logements un peu partout sur le chemin, donc on peut marcher à son aise et s’arrêter pour la nuit quand on se sent fatigué, ou s’il se met à pleuvoir (ce qui est courant, je le dis par expérience). Les paysages sont magnifiques alors je décide de rallonger mon parcours en allant jusqu’au camp de base. J’aurais eu beaucoup de nuages malheureusement, mais je tombe sur deux françaises à la bonne humeur communicative avec qui je fais le chemin du retour, donc ça rachète le manque de soleil.

Après les montagnes très vertes et pluvieuses de Pokhara, je reviens en Inde en commençant par le Ladakh. La population en grande partie d’origine tibétaine rappelle encore un peu le Népal, mais les paysages montagneux très arides sont complètement différents. L’ambiance est tranquille aussi en comparaison du reste de l’Inde et c’est assez facile de se promener en moto sur ces routes magnifiques à visiter des temples bouddhistes tout aussi incroyables. On m’avait conseillé plusieurs fois d’aller voir du côté du Cachemire, malgré la situation un peu explosive de la région, disputée entre l’Inde et le Pakistan. On se croirait d’ailleurs dans un autre pays à Srinagar, ce qui est plaisant, par contre on se croirait surtout dans un pays en guerre avec tout ces militaires qui guettent aux coins des rues et ces rouleaux de fils barbelés qui encombrent les trottoirs, sans parler des bâtiments laissés à l’abandon qui donnent cette impression de désolation déprimante.

Retour dans les montagnes, mais en dessous du Ladakh, j’arrive à Dharamsala dans l’Himachal Pradesh qu’on m’avait conseillé plusieurs fois aussi depuis le Népal, sauf que là je suis pas du tout déçu, et je crois que c’est le seul endroit en Inde ou j’ai senti un pincement au coeur au moment de partir. C’est déjà une petite ville agréable, même si un peu encombrée parfois, mais je rencontre surtout des gens très sympathiques, des indiens cette fois, avec qui j’apprends beaucoup sur la culture indienne en passant quelque jours avec eux. C’est vrai qu’il faut bien admettre que la mentalité indienne est souvent difficile à cerner, mais en comparaison des autres pays que j’ai visité avant, je me rends compte qu’ils sont aussi très curieux du touriste et faciles à aborder, parlant beaucoup mieux l’anglais par ailleurs. Faut dire, au départ j’étais assez gêné en Inde car les gens fixent énormément du regard, mais on finit par l’ignorer quand on sait que c’est dû à cette fameuse curiosité (les gens dans la rue demandent souvent de quel pays on vient, sans autre introduction ou question supplémentaire). Je remarque aussi qu’ils sont très prompts à partager (on m’a souvent offert des fruits ou des pâtisseries dans les bus), et surtout très hospitaliers.

Pour finir, on me disait déjà à propos du Cambodge que c’est un peu déroutant parfois car les gens là bas ont plus l’habitude de contourner les problèmes plutôt que d’essayer de les régler à la source, et c’est un peu pareil en Inde, ce qui explique peut-être le chaos ambiant. Mais je crois que le parallèle avec la conduite sur la route est intéressante aussi. Quand on arrive en Inde on est choqué de voir les scooters rouler en contre-sens, les voitures passer par trois à la fois sur une deux-voies, ce genre de choses, très courantes. On est surpris ensuite de pas voir tant d’accidents que ça, mais c’est aussi parce que les gens sont finalement assez souples pour laisser passer même quelqu’un qui force un peu le passage ou qui a aucune raison d’être là. C’est un peu une logique inverse de la nôtre au final, et logiquement beaucoup d’Indiens ayant visité la France m’ont confié qu’ils avaient eu du mal avec notre mentalité en retour. Pour finir sur un point positif important en Inde, c’est la sécurité. J’avoue qu’au départ en marchant dans les rues je m’attendais à ce qu’on me dévalise à tout moment, habitués que j’étais à l’Amérique du Sud où il vaut mieux éviter les quartiers qui tombent en ruines avec des gens qui dorment partout par terre. Au final je crois que personne y songerait en Inde, j’ai d’ailleurs jamais entendu parler parmi les autres touristes d’une quelconque agression ou de vol (à noter que c’est aussi vrai dans le reste de l’Asie du Sud). C’est étrange car les vendeurs par exemple essayeront toujours de faire payer trois fois le prix à un touriste, mais si une fois le prix conclu on lui donne par erreur trop d’argent en payant il le fera remarquer et le rendra. Ça m’est arrivé plusieurs fois au Laos ou au Vietnam où les billets de 1 000 et 10 000 sont de la même couleur, par exemple.

Je parlerai pas de Delhi, je pense qu’il vaut mieux éviter les grandes villes en Inde de toute façon, à part Bombay ou Bangalore y en a aucune qui m’a donné envie de rester plus d’une nuit, et même ces deux dernières c’est juste un petit quartier privilégié qui est agréable, le reste c’est littéralement l’enfer. Le Rajasthan, en dessous de Delhi était plutôt sympa, excepté Jaipur où je retrouve la version Indienne des faux-cul au tuk-tuk qui sont ici les faux-cul à la boutique de bijoux, qu’on croise toutes les 2 minutes sur son chemin, sans exagérer du tout. Jodhpur et Udaipur sont plus paisibles et expriment parfaitement le côté historique du Rajasthan, avec ses châteaux, ses petites ruelles, ses grands puits magnifiques. Je rencontre un petit groupe de voyageurs comme moi de différents horizons à ce moment là aussi, ce qui rend la visite d’autant plus agréable. C’est là que je me rends compte que je rencontre assez peu d’étrangers en Inde au final, beaucoup mois qu’au Népal par exemple, mais dans le reste de l’Asie du Sud-Est aussi. C’est sûr que c’est intéressant vu qu’on rencontre plus d’Indiens du coup, qui voyagent eux mêmes beaucoup dans leur propre pays, beaucoup travaillent en ligne d’ailleurs et voyagent en même temps. Ceci dit, ça fait toujours plaisir de se retrouver parfois avec des gens avec qui on partage une culture plus semblable.

Goa m’aura plutôt déçu, même si c’est assez joli parfois, comme à Panjim où on retrouve une architecture portugaise, mais on vient pas en Inde pour ça au final. Ce qui m’a troublé surtout c’est de constater à quel point la police est corrompue. J’avais loué un scooter pour quelques jours et je me suis fait arrêter plusieurs fois. On me demandait mon permis puis on trouvait une excuse pour me mettre une amende. Vu que je lâchais pas l’affaire on me laissait partir finalement, mais la dernière fois, juste avant que je rende le scooter, le flic me dit que je viens de passer sur un pont où les deux-roues ne sont pas autorisés. J’en avais marre, j’avais pas trop le temps de batailler, et là le gars me montre écrit sur sa main un montant quatre fois moins élevé mais que je dois payer en cash, ce que j’ai fait par dépit. J’avoue que je me suis demandé si c’était la bonne chose à faire, vu que le billet va directement dans sa poche évidemment, donc on encourage le racket. J’ai loué des scooters à beaucoup d’autres endroits, même en Inde, et j’ai jamais eu ce problème. Bref, en plus de ça j’ai cru ressentir une ambiance plutôt malsaine en général, alors même si c’est connu pour être un endroit pour faire la fête, j’ai pas trop eu envie d’y participer du coup.

J’ai eu un peu de mal à rejoindre le Kerala tout au Sud, trouvant pas de bus ou de train direct, donc je fais un crochet vers Bangalore, puis Kodaikanal et Munnar dans les montagnes. C’était assez cool au final, même si très pluvieux, et les paysages de plantations de thé de Munnar vraiment magnifiques, beaucoup plus qu’à Darjeeling, même si le thé est bien moins bon en revanche. Enfin j’arrive à Cochin ensuite, puis Allepey qu’un ami de Dharamsala m’avait conseillé. Il y a là-bas ce qu’on appelle les back-waters, des zones rurales faites de petits canaux qui passent autour des terrains de cultures de riz ou d’habitations isolées. Le Kerala est connu pour la gentillesse et la bonne humeur de ses habitants, c’est assez vrai, alors je décide de visiter aussi Varkala et Trivandrum, sa capitale, avant de partir vers Pondichéry, ultime étape de mon voyage en Inde.

Y avait deux raisons pour moi de venir à Pondichéry, d’une c’est pour son histoire française, et y a aussi Auroville pas loin qui m’intéresse depuis longtemps. Pour la première raison je suis pas trop déçu, Pondichéry étant une ville assez mignonne et agréable comparé au reste de l’Inde, tout en étant très vivante aussi en plus de son héritage français, même si comme pour Goa je venais pas en Inde pour ça et d’autant que je pars pour la Réunion ensuite. Et pour la deuxième raison j’avoue que je m’attendais à mieux, même si la visite du Matrimandir était une expérience géniale (un bâtiment en forme de grosse boule à l’architecture très futuriste et qui abrite une grande salle de méditation, toute blanche et très silencieuse). C’est vrai que je serai resté à Auroville seulement 3 jours, et certains disent que c’est trop court pour appréhender une utopie vivante qui a pour ambition de montrer la voie au Monde en matière d’écologie, de vivre ensemble et de bien être personnel (rien que ça). C’est certainement mieux d’y rester même quelques mois en y faisant du volontariat pour vraiment être proche de la démarche et voir comment ça se passe. Je m’étais dit que je le ferais peut-être si je sentais une ambiance qui me plait. Mais au final j’ai eu la sensation que c’était un peu mou au niveau de l’utopie, peut-être même plus un ashram qu’une utopie, et je crois surtout qu’au bout de 6 mois de voyage et 3 ans hors de France, j’avais envie de rejoindre assez vite la Réunion pour faire une petite pause.

C’est vrai, c’est la première fois que je voyage autant d’une traite d’ailleurs, généralement je fais plutôt des périodes de 3 à 4 mois entre deux jobs. Et je l’ai pas trop mal vécu au final, j’ai même connu cette étrange état d’esprit sur la fin qui fait qu’on se fiche pas mal de ce qui va se passer, d’où on atterrit et quand. Aussi, je me rends compte que je fais de moins en moins de photos, et je me force un peu, histoire de pouvoir signaler où je suis et ce que je fais au minimum. Je réalise ça dans le train entre Pondichery et Chennai, le soleil se lève sur les champs de riz bordés de palmiers, le tout parsemé de petites maisons et de gens qui travaillent dans les champs. Le lendemain je quitterai l’Inde, ce pays qui m’intrigue depuis ma première jeunesse pour sa culture et son Histoire, autant que m’intriguait celle des Mayas et de Incas précolombiens. Malgré tout je suis là, à la fenêtre de ce train sans vitres (très courant en Inde), je sens le vent sur mon visage et je profite du paysage qui défile, c’est tout. Je pense à faire une photo pour garder un souvenir, puis je me dis que finalement je préfère garder en mémoire ce moment sans aucun support, j’ai l’impression qu’une photo l’aurait gâché, c’est étrange mais ça m’a semblé évident sur le coup.

Pour faire le point sur ce voyage en Asie du Sud, je dirais qu’au final j’ai été assez déçu globalement. J’ai repensé souvent à l’Amérique Latine par exemple, et sur le papier l’Asie devrait être beaucoup plus intéressante, étant bien plus différente et dépaysante, car au final l’Amérique est surtout de culture européenne en comparaison, même si très métissée parfois et qu’elle a évoluée dans son sens propre. Je pense qu’à cause du fossé culturel beaucoup plus grand et aussi des difficultés de compréhension, en Asie j’avais surtout l’impression d’être un visiteur, quand en Amérique je me sentais presque vivre parmi la population. C’est bien évidemment différent en Inde ou au Vietnam, comme je l’expliquais avant, mais en règle générale, même en faisant des efforts de mon côté, je me voyais mis à part et dirigé vers le parcours du touriste, ce qui est pas trop mon genre de voyage.

Et voilà que je suis à la Réunion. C’était facile à rejoindre depuis le Sud de l’Inde, et j’en avais entendu parler en bien depuis quelques temps. Une bonne ambiance, un gros mélange de cultures, de belles randonnées… de quoi faire une pause sympathique avant de repartir. Je retrouve un peu la France, j’ai le temps de me réorganiser. En une semaine ici j’ai trouvé un travail intéressant dans une boulangerie et une colocation sympa, alors c’est de bonne augure !


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